ce que dit la bouche d'ombre, (blythe)

Ses pas hasardeux l’avaient guidée jusqu’à l’hécatombe des Terres, talon enfoncé dans la roche érodée d’une côte aux allures de salvation ; c’est qu’elle en aurait trébuché de la lisière, curiosité attisée par la perspective surréaliste de s’envoler, pour une fois. Mille et une autres elle se serait écrasée, s’éreintant dans la gorge rocailleuse de la falaise. Et le saphir aurait éclaté, ses souvenirs éparpillés dans les crasseuses eaux d’un océan qu’aucun kosmo n’aura su purifier.

C’est agrainée d’un but singulier qu’elle s’enfonce dans la forêt, chevilles hagardes sous la caresse taquine des herbes sauvages – ainsi Revolver s’égare entre deux arbres millénaires, effleurant leur éternité de ses pierres immortelles ; la crasse nécrose ses semelles, la vie grouille par-dessous ses pieds et elle ferme les yeux, soumise à l’attraction irraisonnée d’un souvenir déformé. Songes d’une autre, cauchemars apatrides aux bordures illusoires. Revolver a vu une fuite, a senti la panique propre aux échappatoires clandestines qui l’avaient aiguillée par-delà bords troubles du territoire kosmo ; alors elle se laisse fondre sur des terrains qu’elle connaît par cœur, les fiefs de l’est s’étendant devant ses obsidiennes esseulées.

La spontanéité pulse dans ses veines quand elle presse le pas et un pic d’inquiétude pourfend son poitrail, la suractivité de ses inclusions faisant s’épandre le rougeoiement des excroissances maudites – la gemme suit ses instincts et ses sens, jusqu’à ce qu’enfin la dépouille spasmodique de cette enfant qu’elle suivait en rêve, en dépit de la dégradation de son état. Eclats de pierres crachés du bout de ses lippes craquelées, contre ton derme chaud ses serres se pressent et Revolver te hisse sur son épaule, fléchissant malgré elle sous le poids inconscient de ton âme tourmentée.

Les nébuleuses aphones pour seuls témoins, sous le regard chaud de leur lune souveraine, Padparadscha t’entraîne jusqu’à ses propres quartiers, soucieuse des ecchymoses fleurissant sur tes chairs tendres. Elle ne fut jamais taillée pour la guérison, plus apte à déchirer qu’à réparer ; pourtant les touchers sont délicats, des premiers secours portés à ton exuvie à vif.
Alors la séraphine te couve de son attention sans sommeil, au pied de ton lit elle s’éreinte à te prodiguer ce qu’elle espère être les soins adéquats – et attend, patiente, que tes yeux s’ouvrent à nouveau sur un monde dont elle te suppose apatride.

@blythe ^^

la fascination morbide frise l’indécence lorsqu’elle se penche à ton chevet, étudiant en silence les mouvements saccadés de ta cage thoracique ; chaque inspiration génère un séisme au creux de ta poitrine, les plaies pansées suintant de leur hémoglobine inéluctable. l’ancestrale incapable d’arracher ses yeux de ta dépouille chevrotante y passe peut-être des heures, à simplement fixer les trémors irréguliers de ton acharnement contre la mort.

et quand enfin les paupières s’agitent, soulevées dans la confusion la plus ingénue, c’est à l’apostrophe d’un sourire recourbé qu’elle t’accueille, sa garde tressautant d’un second souffle à l’instant même où tes phalanges à vif agrippent sa lampe. “t’es qui?” qui résonne dans le silence pesant de la chambre, en rompant la lourde quiétude dans un crachat suspicieux.

logique se heurtant contre les parois incertaines de son encéphale, la lèvre inférieure mordue par les perles de ses crocs polis. l’idée d’un mensonge caresse tendrement l’arrière de l’esprit mais revolver recule dans une poussée d’instinct, les bras levés en reddition inoffensive. “revolver, appelle-moi revolver.” peut-être tes souvenirs ne sont-ils guère présents, la gemme n’apparaissant qu’à l’angle mort de ton subconscient -- quelques voyages au bras de morphée qui, par leur intensité, auront fait pousser moult ecchymoses écarlates sur son derme scarifié. “je t’ai trouvée au fin fond des bois. tu respirais à peine, je crois.” l’incertitude s’enroule autour de sa langue et la fait buter sur les plus simples syllabes. erreur taillé en rouge vif dans ses pierres, elle songe au trouble dans lequel elle s’est enlisée en t’amenant jusqu’à ses propres quartiers.

finalement, la lassitude sempiternelle prend le dessus et, guère à même de souffrir, elle prend le risque à bras le corps et s’approche, lente et méticuleuse et peut-être légèrement insensée. “écoute, si j’avais voulu te tuer, je t’aurais laissée crever dans la forêt. mais je l’ai pas fait. alors, pose ce truc - de toute façon, me frapper n’aura aucun effet, si ce n’est faire péter une lampe qui m’a coûté une blinde.” rictus soulevant les commissures carmines de ses lèvres, dans l’émail de son sourire se cache la malice de l’aisance. un soupir filtre à travers ses dents et la séraphine déchue reprend son trône à tes côtés, les serres entrelacées pensivement.

“maintenant, t’as deux options. ou tu te calmes et tu m’expliques ce que tu foutais au milieu de la nuit dans ces bois, ou tu t’excites inutilement et tu rouvres tes plaies. aussi, si tu choisis l’option deux, je te fous dehors.” la malhonnêteté coule d’entre ses lippes si aisément qu’elle en est elle-même surprise, mensonge filé le long de son discours sur un froncement de sourcils austère. “ah et, si tu mens, princesse, je le saurai.” révérence bâclée, l’assurance diaprant ses épaules d’un voile aux lisières éphémères.

@blythe je suis pas lente lol